J'étais une très jeune femme quand je me suis engagée en politique, il y a plus de trente ans. Mai 68 était passé par là, et nous croyions de toutes nos forces qu'on pouvait « changer la vie ».
Avec d'autres, je me suis lancée à corps perdu dans la construction du mouvement écologiste. Nous étions écologistes, féministes, non-violents, européens. Nous pensions qu'une démocratie se juge à la qualité de ses contre-pouvoirs, au soin apporté aux plus faibles de ses membres, à l'émancipation et à l'autonomie des personnes, au haut niveau de solidarité entre elles.
Très vite, nous ne nous sommes plus contentés d'alerter ceux qui nous gouvernent sur les risques d'un mode de développement goulu et injuste ; de les critiquer pour leur indifférence ou leur déni de ce que nous pensions être non pas une crise passagère, mais un nouvel état du monde ; de les convaincre qu'il était contre-productif d'opposer justice sociale et environnement, et que c'étaient les mêmes causes qui expliquaient l'exploitation des hommes et celles des ressources naturelles.
Nous nous sommes présentés aux élections, pour aider à engager les chantiers nécessaires, pour prouver qu'on pouvait faire autrement, pour répondre aussi à la soif d'une mouvance militante qui expérimentait, inventait, proposait des solutions nouvelles pour demain.
Ce fut, et c'est toujours, une œuvre collective. J'y ai pris ma part, en combattant le « ni-ni » et en ancrant les Verts à gauche. Au Conseil régional dans les années 80, au Parlement européen dix ans après, plus tard encore au Sénat, j'ai soutenu l'agriculture paysanne et l'économie solidaire, les sans-papiers de Saint-Bernard et l'Europe, la parité et le mariage pour tous, le désarmement nucléaire et la protection des océans, la transition énergétique et la lutte contre les paradis fiscaux. Première ministre écologiste de l'histoire de notre pays, dans le gouvernement de Lionel Jospin, j'ai prouvé – comme le font aujourd'hui Cécile Duflot et Pascal Canfin, que je soutiens de toutes mes forces– qu'on pouvait assumer de lourdes responsabilités sans se renier.
En 2008, à la tête d'une liste de citoyens, « vraiment de gauche, vraiment différents », j'ai été élue maire de Montreuil – une ville « détenue » jusque-là, et depuis 75 ans, par le Parti communiste français et depuis un quart de siècle par une personne qui mit en scène tour à tour son appartenance au parti (qui le fit roi) et sa prise de distance avec lui.
Ecologistes, socialistes, membres de la société civile, nous avons énormément travaillé.
Nous avons inventé un pouvoir plus collégial, ouvert à la contestation les colonnes du journal municipal, soutenu les initiatives habitantes, mis en place des procédures transparentes et équitables d'attribution des logements, des places en crèche, des marchés publics, dissous les officines opaques, rompu avec le clientélisme, et parfois le communautarisme qui rongeaient la vie municipale.
Nous avons redressé les finances de la ville, et celles de l'hôpital, en quasi-faillite en 2008, et mené à bien des chantiers engagés – et parfois enlisés – depuis des années, dans le quartier de la Mairie, dans le quartier Bel Air Grands Pêchers, construit et rénové selon les meilleurs standards écologiques des milliers de logements, réhabilité des dizaines de bâtiments dégradés et remis aux normes minimales de sécurité un grand nombre d'équipements municipaux qui étaient vétustes, archaïques et dangereux. Nous avons pris à bras le corps des questions peu populaires, comme l'insertion des Roms ou la reconstruction des foyers africains insalubres. Nous avons bâti et rénové des écoles, des crèches, des centres sociaux, des théâtres. Et une piscine écologique, et un cinéma de six salles, et un nouveau marché, et un nouveau centre de santé dans un quartier déserté par la médecine de ville.
Nous avons engagé notre ville dans la construction d'une intercommunalité de bon calibre et obtenu des extensions de lignes de tramway et de métro attendues depuis 30 ans.